Le dialogue social et les conflits dans les organisations à gouvernance partagée
En tant que coopérative, Hashbang suit avec intérêt les évènements autour des organisations à gouvernance partagée et des problématiques qu'elles rencontrent. Parmi ces questions, le dialogue social et la gestion des conflits ressortent régulièrement.
À l'automne, Chloé Rebattu, co-gérante de Hashbang, a participé à deux événements sur le sujet, organisés par l'association Réalité du Dialogue Social et le Collectif Autogestion de Lyon. Nous profitons de la publication de l'étude Dialogue social & modes de gouvernance atypique (à télécharger gratuitement) pour partager ces deux temps forts qui font encore grandir notre collectif.
Tour d'horizon des définitions
Qu'appelle-t-on auto-gestion et gouvernance partagée ?
Opale, holacratique, sociocratique, auto-gérée, libérée... des modalités différentes mais certains objectifs communs : rendre autonomes et responsables les employé·e·s, susciter de la coopération dans les équipes, favoriser la prise d'initiative, mettre l'intelligence collective au service de la raison d'être de l'organisation.
Trois éléments sont essentiels pour qu'une organisation soit considérée comme auto-gérée :
- le partage du pouvoir et de la valeur ;
- l'insistance sur le collectif ;
- et bien évidemment l'envie d'être considérée comme telle.
Qu'est-ce qu'un conflit ?
Un conflit est un combat entre deux ou plusieurs puissances qui se disputent un droit, une violente opposition de sentiments, d'opinions, d'intérêts.
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Conflits légitimes et constructifs :
- Cela touche plein de questions au coeur de l'autogestion
- Y a-t-il des assos sans conflit entre salarié·e·s et bénévoles ?
- Reste-t-on fidèle à son engagement quand on est en conflit dans son asso/SCOP, etc. ?
- Quand intervenir ? Si c'est trop tôt, c'est de l'ingérence, si on en arrive à l'arrêt de travail, il est trop tard.
- Quelle place du supérieur hiérarchique ?
- Les collectifs autogérés sont-ils pérennes ?
- Et après les conflits ?
Qu'est-ce que le dialogue social ?
Il existe 3 types de dialogue dans une entreprise : le dialogue organisationnel, le dialogue de performance et le dialogue social.
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- Dialogue organisationnel = qui fait quoi comment ?
- Qui : salarié·e / manager
- Éléments matériels et organisationnels qui permettent à l'entreprise d'accomplir sa missions
- Dialogue social = dans quelles conditions ?
- Qui : tripartite Etat / employeur / salarié·e
- Dialogue interne (notes de service, CE, etc.) et externe à l'entreprise (branches professionnelles, syndicats, etc.)
- Dialogue de performance = avec quels objectifs ?
- Qui : actionnaires / gérance
- Objectifs fixés pour une période donnée, avec outils de suivi. Le dialogue peut être plus ou moins partagé avec le ou la salarié·e
Évidemment, ces trois types de dialogues s'entremêlent. L'employeur doit fournir à son ou sa salarié·e un ordinateur (social), le type de système d'exploitation et les logiciels installés seront dictés par les missions à accomplir (organisationnel) et le coût maximal de l'achat de l'équipement sera dicté par les budgets (performance).
Et chez Hashbang ?
Hashbang a la double particularité d'être une SCOP en sociocratie. Nous fonctionnons en groupes de travail en fonction des besoins de la structure. Tous les membres de notre collectif peuvent porter en même temps plusieurs casquettes : manager, gérant·e, salarié·e (simple citoyen·ne :) ), chef·fe de projet, développeureuse, associé·e, commercial·e, responsable RH, etc.
Pour nous y retrouver, nous avons créé des temps de dialogue différents :
- le dialogue de performance se situe en réunion d'associé·e·s
- le dialogue organisationnel est éclaté entre les différents groupes de travail et la cohérence de l'ensemble est assurée par la gérance
- le dialogue social est animé par le groupe RH et les obligations légales sont supervisées par la gérance
Toutefois, nous n'avons pas de représentant·e des salarié·e·s pour apporter de la contradiction à la gérance ; est-ce un effet de notre effectif ou de la complexité à dégager une action collective de ce mélange ? Difficile de porter une revendication quand les gérant·e·s font partie du lot... Difficile aussi pour la gérance d'ouvrir le pouvoir à ses collègues mais d'assumer la légalité et la responsabilité socio-économique des décisions prises. D'autant que le dialogue social, retenu par la loi en cas de conflit ouvert entre salarié·e·s et employeur·euse, ne prend pas en compte ces subtilités.
Droit et pouvoir
Chez Hashbang, nous avons travaillé à ce que les rapports de pouvoir soient explicites et consentis, de manière à conserver un lieu d'exercice du pouvoir : la gérance. Nous avons rendu explicite le fait que les organisations auto-gérées peuvent aussi générer des risques psychosociaux, notamment de part la multiplicité des casquettes et de l'engagement nécessaire. En l'absence de garde-fous, la pression du collectif ou de soi-même remplace celle du manager.
Lors de la rencontre des organisations auto-gérées, trois structures sont venues exposer un conflit qui les a touchées, traversées et de quelle manière l'organisation en est sortie. Dans les trois cas, les outils mobilisés ont été différents : appel aux organisations syndicales, utilisation d'outils internes (technique de l'entraînement mental, chère à l'éducation populaire) ou recours à des accompagnements externes. Ces techniques ont permis de travailler le conflit pour trouver la source du désaccord profond : quel est l'enjeu exact ? Quelles sont les deux visions du monde qui s'affrontent, en réalité ?
Le dialogue autour d'un conflit peut être non-violent, mais le conflit, lui, est toujours violent. Ce sont toujours des visions du monde qui s'opposent et le combat se poursuit jusqu'à ce qu'une partie abandonne ou se retire du combat. Dans les trois cas exposés, une partie de l'équipe a quitté la structure pendant le conflit ou juste après. Un combat passe par les armes, par de la colère, par de la révolte ; il s'agit d'essayer d'avoir le moins de casse possible...
Pour éviter que le conflit ne se reproduise, les trois organisations se sont transformées pour mieux intégrer la loi dans leur organisation. Ici, on revoit le fonctionnement des temps collectifs pour bien séparer les temps personnels des temps professionnels, là, on revoit les priorités budgétaires pour que chaque salarié·e ait un outil de travail adapté ou encore, on revoit le fonctionnement interne pour plus de transparence.
À suivre
Suite à ces deux temps d'échange, nos interrogations sont les suivantes : à mesure qu'une organisation en auto-gestion grandit et traverse des conflits, elle se dote d'outils organisationnels notamment sur le volet ressources humaines : fiches de poste, suivi budgétaire, process de recrutement... Quels sont les outils adaptés à la gestion des conflits ? Comment mêler efficacement intelligence collective et process ? Comment faire pour qu'une organisation auto-gérée reste autogérée alors qu'elle se dote d'outils normatifs ?